Elaborer un projet audiovisuel associatif

Pour élaborer un projet audiovisuel, nous vous conseillons de vous poser au moins cinq questions essentielles, qui vous aideront à préciser votre idée.

 

1. Quel contenu ?

2. Quel « genre » et quel traitement ?

3. Quel sera le mode de diffusion, et quel est le but recherché à travers cette diffusion ?

4. Quel mode de réalisation ?

5. Quelle durée ?

----------------------------------------------------------------------

Bien sûr ces questions peuvent sur certains points se recouper, et elles influent les unes sur les autres. Nous allons les reprendre une à une, en commençant par la dernière, qui est aussi la plus facile, pour finir par la première (« quel contenu, quel sujet ? »), qui est bien sûr est la plus déterminante :

 

QUELLE DURÉE ?

 

Il existe toutes sortes de durées possibles. De très courts formats peuvent donner des choses excellentes : il n’y a pas ici de hiérarchie de valeur, et une association peut réaliser un film de 3 mn qui peut avoir un très grand impact !

 

Habituellement, on distingue trois types de durées :

 

Les « très courts ». Courts-métrages dont la durée ne dépasse pas trois minutes.

 

Les courts-métrages.  Moins de trente minutes.

 

Les moyens-métrages. De trente à soixante minutes.

 

Les longs-métrages. Plus d’une heure.

 

 

QUEL MODE DE RÉALISATION ?

 

Dans le cadre des activités de vos associations, vous pouvez envisager plusieurs façons d’organiser la réalisation d’un projet audiovisuel. En voici trois types différents :

 

1. L’atelier vidéo. Avec différents types de publics (jeunes ou moins jeunes), il s’agit d’abord, sous la conduite d’une animatrice ou d’un animateur, de permettre à un groupe de personnes de se familiariser avec l’outil vidéo, avec la réalisation de petits exercices, qui seront éventuellement mais pas forcément restitués en public.

Dans ce cas, le temps de la réalisation, avec ce qu’il peut apporter d’éducation et de plaisir aux participant-e-s, est plus important que le temps de la diffusion.

 

2. La réalisation collective. Même si certain-e-s tiennent plus en main la caméra que d’autres, il s’agit d’une réalisation visant essentiellement à présenter une ou des activités du groupe, à présenter l’association, ou à montrer voir à dénoncer certaines réalités, mais sans intervention marquée d’un ou de plusieurs « auteurs ».

 

3. Une réalisation plus personnelle, portée par une personne ou une petite équipe. Même si c’est toujours d’une réalisation menée dans le cadre collectif d’une association, il s’agit d’un mode de réalisation plus personnel, où le ou les auteurs manifesteront plus leur subjectivité, même si le projet reste en cohérence avec la démarche globale de leur association.

 

Cette question du mode de production aura bien sûr une incidence sur l’élaboration du projet, puis sur sa mise en œuvre. Bien sûr, dans la réalité, il n’y a pas forcément de paroi étanche séparant chaque mode de réalisation : à partir de travaux d’atelier, une réalisation plus personnelle peut se développer ; on peut imaginer des projets où les expressions personnelles et les expressions collectives se conjuguent, etc...

 

QUELLE DIFFUSION ?

 

Quel mode de diffusion ?

 

Plusieurs modes peuvent être envisagés, qui peuvent d’ailleurs se compléter :

 

-          La vidéo en ligne sur Internet.

 

Canal Marches a ainsi créé un site avec essentiellement de la vidéo en ligne : « Paroles et mémoires des Quartiers Populaires » : www.paroles-et-memoires.org

 

-          L’édition d’un DVD.

 

-          Une ou des projections publiques en salle, avec ou sans débat à la suite.

 

-          Les installations vidéo, et les vidéos de rue.

 

Vidéo tournant « en boucle » dans un espace public, un Centre social etc... Canal Marches a également beaucoup développé des « Installation vidéo de rue ». Lors de la Nuit Blanche 2008 nous avons fait des projections géantes sur la façade du Centre social La Maison du Bas Belleville, et l’année précédente nous avons organisé une installation de 8 écrans sous une tente montée sur le trottoir du Boulevard de Belleville...

 

Une diffusion... pour quoi faire ?

 

Question essentielle, pour orienter votre projet. Voulez-vous partager une problématique avec vos futurs spectateurs ? S’agit-il de dénoncer ou tout simplement de mettre en lumière un fait, un combat ? S’agit-il de partager la mémoire d’anciens avec des populations plus jeunes ? De donner la parole à certains habitants ? Et dans quel but ? etc, etc...

 

QUEL « GENRE », ET QUEL TRAITEMENT ?

 

Par « genre » nous ne voulons pas parler des genres  « films policiers » ou « western », mais bien souligner le fait que vos projets peuvent adopter des formes très diverses, qu’il y a des choix à faire – ou à ne pas faire, en décidant de mêler plusieurs formes, mais consciemment.

 

Voici quelques-uns de ces genres possibles :

 

-          Fiction ou documentaire ?

Vous pouvez parfaitement aborder un sujet en racontant une histoire, avec un scénario, avec des dialogues, écrits ou improvisés : c’est le choix de la fiction. Les films d’animation peuvent également entrer dans ce genre fictionnel. Le clip musical est aussi l’un des possibles hors de l’option documentaire.

 

-          Documentaire ou reportage ?

Si vous optez pour le fait de filmer « le réel », reste à savoir un peu plus précisément ce que vous visez. On distingue habituellement le « reportage » et le « documentaire ». Le reportage traite d’une situation, d’un événement, d’une activité, d’une façon souvent assez brève, en mettant l’accent sur les faits. Les Journaux télévisés proposent ainsi une suite de reportages. Cette forme simple et modeste peut parfaitement constituer un projet audiovisuel associatif.

On parle de « documentaire » lorsqu’un travail de réalisation plus long, plus approfondi, permet de mieux faire sentir une situation, ou le parcours de personnes, etc...

 

-          Captation d’un événement.

Pièces de théâtre, débats, peuvent être filmés (avec un ou plusieurs bon-s micro-s !). On peut également partir d’une pièce de théâtre ou d’un concert réalisés dans un cadre associatif, filmer des entretiens de certains protagonistes, ou avoir filmé des répétitions, des séances de préparation, et, avec tous ces éléments, réaliser un document vidéo.

 

-          Formes « hors normes ».

Certaines formes de diffusion ou d’intervention peuvent vous conduire à des projets particuliers. Ainsi, dans le cadre de l’exposition « Paroles et Mémoires des Quartiers Populaires » que nous avons organisée dans la Maison des métallos en avril 2009, nous avions mis en place une « cabine d’expression vidéo » : les gens avaient trois minutes pour lancer un « coup de gueule », dire un de leurs rêves... Ces plans fixes de trois minutes étaient aussitôt visibles sur un des écrans de l’exposition, et mis en ligne (voir ici : http://www.paroles-et-memoires.org/mars-avril_09/cabine_video.htm ).

 

-          Les « actualités cinématographiques ».

S’inspirant des actualités du cinéma d’antan et des JT d’aujourd’hui, cette forme rassemble plusieurs sujets très courts et variés sous un titre commun. Les actualités de Télébocal en sont un bon exemple (http://www.telebocal.org/bocal2/ )

 

Le traitement.

 

Le « traitement », c’est-à-dire la manière dont vous allez aborder votre sujet, est déterminant dans l’élaboration de votre projet. Ne nombreux traitement différents peuvent être envisagés –ils peuvent être ou non combinés :

 

-          Allez-vous adopter un ton grave, ou un ton humoristique ?

 

-          Serez-vous dans une logique « objective », en marquant une distance entre votre sujet et vous, et en vous efforçant de gommer votre propre point de vue ?

 

-          Ou au contraire dans une logique « subjective », voir dans une démarche « d’empathie » avec votre sujet ?

 

-          Allez-vous adopter une démarche didactique, en donnant aux spectateurs de nombreuses informations, des chiffres, des dates – ou au contraire dans une démarche plus poétique, voire expérimentale ?

 

-          Allez-vous construire votre film plutôt à partir d’un ou de plusieurs témoignages ? ou plutôt à partir de situations ?

 

-          Allez-vous utiliser une voix-off ? et si oui, de quel genre (purement « informative » ; ou « à la première personne »...)

 

Projets réalisés... pour être vus !

 

Dans tous les cas, c’est bien à des spectateurs que vous allez penser, qu’ils s’agissent de partager avec eux des informations, des découvertes, des émotions. Donc vos choix seront d’abord dictés par cette idée : qu’est-ce que je veux ou qu’est-ce que nous voulons partager avec ces spectateurs potentiels ? Si vous voulez leur faire découvrir une réalité, des personnages, etc, il faudra vous demander ce que ces spectateurs « savent » déjà, et ce qu’il est utile qu’ils apprennent ou qu’ils ressentent pour que le film leur apporte quelque chose...

 

QUEL CONTENU ? OU COMMENT CERNER VOTRE SUJET...

 

Il est essentiel évidemment de cerner votre sujet. Une vague idée, un concept général, ou l’indication sommaire d’un fait, d’un lieu, d’une situation, ne vous permettra pas d’avancer. Il faut aller au-delà, mieux identifier ce dont vous voulez parler, et pourquoi ?

 

  1. Il faut travailler votre sujet.

 

Il vous sera nécessaire d’identifier votre thème, votre sujet principal.

 

Ø  Identifier. Pas seulement vouloir « donner la parole » aux habtitant-e-s du Quartier untel en général, par exemple, mais vous demander : Quels types de personnes ? Pour qu’ils parlent à propos de quoi ? En commençant à recenser des personnes réelles qui pourraient être concernées.

 

Ø  Enquêter. Il y a donc un travail d’enquête. Même sur un sujet que vous pensez bien connaître, il peut être très fructueux de « tout reprendre à zéro », comme si vous étiez en train de le découvrir : qu’est-ce que ça fait ? où ? qui ? avec qui ? comment ? quelles dates, quelles échéances ? etc...

 

Ø  Rencontrer. Pour mieux cerner votre projet, il faut sans doute faire des rencontres préalables  (avec des témoins possibles, avec des personnes ou des structures qui connaissent bien le sujet).

 

Ø   Repérer. Un film, c’est aussi des choses, des lieux à montrer, des situations. Les recenser, les visiter, faire des « repérages » est nécessaire, pour sélectionner et mieux saisir les choses que vous allez ensuite filmer.

 

  1. Il faut vous laisser travailler par votre sujet

 

Laisser le sujet « vous travailler », c’est vous mettre à l’écoute de toutes les questions qui pourront vous venir en tête quand vous allez tenter de cerner votre sujet. Et aussi, de toutes les sensations, les émotions qui pourront venir vous visiter tandis que vous ferez ce travail.

 

Les trois moteurs de votre travail d’élaboration de votre projet seront, même à votre insu, même pour des projets très simples : votre sensibilité ; votre imaginaire ; et les connaissances que vous pourrez avoir sur votre sujet.

 

Un « truc » parmi d’autres, à un moment de votre élaboration : l’écriture semi–automatique. Sur une feuille de papier, vous jetez tous les mots qui peuvent vous venir à l’esprit en évoquant votre sujet, toutes les situations, les images qu’il peut faire naître en vous, en vrac, librement. Dans tout cela, en triant, en associant des idées au début un peu éparse, vous pourrez tirer des éléments utiles pour élaborer votre projet.

 

ÉLABORER UN PRÉ – PROJET

 

Rappelons nos cinq questions clés :

 

1. Quel contenu ?

2. Quel « genre » et quel traitement ?

3. Quel sera le mode de diffusion, et quel est le but recherché à travers cette diffusion ?

4. Quel mode de réalisation ?

5. Quelle durée ?

 

Le balayage de ces cinq questions clés va vous aider pour élaborer votre projet.

 

Nous vous proposons de commencer par écrire un « pré-projet », en une page ou deux, pas plus.

 

Ce pré-projet sera à la fois une « note d’intention » (le « genre » de votre projet, la durée, le traitement...) et un « synopsis » (une brève indication du déroulement du film).

 

Dans ce pré – projet, on trouvera donc, brièvement exposés :

 

  1. Le sujet principal
  2. Quelques indications sur le traitement, le genre etc.
  3. Un déroulement possible du film
  4. Ce que vous recherchez à travers ce projet (faire connaître une réalité ; faire éprouver une émotion ; ou bien d’autres choses...)

 

Ce pré – projet va vous être très utile dans les phases suivantes de la réalisation. Il vous permettra de ne pas aller dans toutes les directions, d’évaluer aussi vos besoins (techniques, humains, en temps etc), il vous aidera à préparer la réalisation concrète.

 

Par la suite vous pourrez avoir besoin, ou non, d’un document plus élaboré. Si votre projet est simple, ce pré-projet pourra vous suffire, vous pourrez aussitôt passer à la phase de réalisation. S’il est plus complexe, ou si vous avez besoin de demander des financements, par exemple, vous pourrez être conduits à développer votre texte...

 

Les paradoxes de la réalisation

 

Ce qu’il vous faut savoir c’est que les différentes phases de réalisation qui vont suivre la rédaction de ce pré – projet sont à la fois enchaînées et en « contradiction » (fructueuse) les unes avec les autres :

 

-          Le pré – projet n’est pas un plan d’architecte. Votre vidéo finale ne sera pas la copie conforme du projet de départ, et pourtant celui-ci aura été utile pour cette réalisation.

 

-          Les tournages vous conduiront dans des directions nouvelles. Le projet de départ vous aidera à ne pas aller dans toutes les directions... mais en même temps, il faudra être assez souple pour accepter ce qui va venir d’imprévu, et pour s’adapter aux situations nouvelles, sans abandonner votre fil conducteur.

 

-          Le montage va à son tour « trier » dans ce que vous aurez filmé, développer certains aspects, en abandonner d’autres...

 

En un mot, c’est la « Réalisation permanente » : la réalisation commence « sur le papier », dès votre travail d’élaboration et de rédaction de votre pré – projet, et le projet ne va pas cesser d’évoluer, jusqu’à la touche finale du montage.